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Projet de loi de finances 2025 | «Le projet de loi s’annonce lourd d’enjeux»

 

Le PLF 2025 doit tenir compte des risques baissiers prédominants, notamment la montée des tensions géopolitiques, la montée accrue des échanges commerciaux et des taux d’intérêt plus élevés, auxquels s’ajoute la menace de catastrophes climatiques.

Le projet de loi de finances 2025 doit répondre à une panoplie de défis économiques. Le premier consiste à booster la croissance dans le pays, accroître les investissements dans les infrastructures, alléger les impôts, plus de paix sociale, améliorer les conditions de vie des ménages pour accroître la demande. Certes, la mise en place de politiques économiques cohérentes et transparentes et la création d’un climat propice à l’attraction des investissements tant nationaux qu’internationaux seront essentielles pour restaurer la confiance des investisseurs et stabiliser l’économie tunisienne, précise Ridha Gouia,  professeur en Sciences économiques et directeur d’APBS Tunis.

Le taux de croissance de 2,9 % prévu dans le projet de loi de finance 2025 «reste largement en dessous de la moyenne enregistrée avant 2010 (5,4%), donc insuffisant pour assurer un bien-être social et une croissance et un développement durables », ajoute-t-il.

De même, des défis liés à la stabilisation macroéconomique et à la gestion de l’inflation restent importants. Comme les mesures de soutien à l’emploi et de stimulation de l’investissement privé seront cruciales pour un redressement économique plus robuste et une croissance soutenue.

Le second défi, pour notre interlocuteur, consiste à penser au taux de chômage qui demeure très élevé, évalué à environ 16%, avec un chômage des jeunes particulièrement préoccupant. Les initiatives et programmes doivent penser à stimuler l’emploi, notamment à travers des programmes de formation professionnelle et des incitations à l’entrepreneuriat.

Un autre défi, pas le moindre, lié à la gestion de l’eau et le problème de la désalinisation de l’eau de mer, et dont l’impact est grand surtout sur le secteur agricole qui commence à souffrir du changement climatique. Il s’agit ainsi de trouver des solutions à la raréfaction de l’eau. Le gouvernement, voire la loi des finances de la prochaine année, devrait renforcer la sécurité hydrique et alimentaire, en mettant en œuvre de grands projets dans le domaine de la desalinisation de l’eau et en promouvant une agriculture durable, répondant aux besoins de tous les citoyens et garantissant l’indépendance alimentaire.

Comme la gestion rigoureuse des finances publiques est essentielle pour améliorer durablement la situation économique, «le troisième défi consiste à accélérer les réformes, en particulier celles visant à améliorer la gouvernance des entreprises publiques qui, depuis des années, constituent une lourde charge pour le budget de l’Etat, ainsi que le climat des affaires, ce qui permettra une stimulation de la croissance».

Priorités économiques

Pr Gouia indique, par ailleurs, que d’après les objectifs de la loi des finances 2025 dévoilés par les responsables, «nous constatons que les réformes annoncées et les objectifs visés sont importants et énormes sans pour autant voir effectivement comment cela sera réalisé. Autrement dit, le projet de loi s’annonce lourd d’enjeux et de moyens de financement : consolidation de la dynamique d’investissement, poursuite de la mise en œuvre des réformes structurelles et maintien de la durabilité des finances publiques, réalisation d’un équilibre entre les dimensions sociales et économiques». Cette loi vise aussi à lutter contre l’exclusion financière et soutenir l’inclusion sociale et économique ainsi qu’à moderniser le régime de change. Il s’agit aussi «d’améliorer la gouvernance des entreprises publiques et leur gestion financière et de maîtriser, progressivement, les équilibres budgétaires, réduire le recours à l’endettement extérieur et continuer de s’inscrire dans la politique du « compter-sur-soi », comme pilier fondamental de la durabilité des finances publiques». Donc, presque tous les domaines seront touchés sans pour autant voir clairement les moyens de réaliser les objectifs», précise-t-il.

Et de rappeler que parmi les principaux objectifs figurent la justice fiscale, la maîtrise de l’inflation et l’amélioration du pouvoir d’achat, l’élimination de l’emploi précaire et l’augmentation des crédits alloués aux transferts sociaux. Les objectifs concernent également la promotion de la culture de l’entrepreneuriat, l’encouragement de l’initiative privée, en particulier chez les jeunes et les femmes, la création de startup, la facilitation de l’accès des petites et moyennes entreprises au financement, la création de sociétés communautaires… «Tout cela c’est bien, mais la question demeure posée : quels sont les moyens disponibles pour réaliser tout cela ?»

Gouia précise que nombre de priorités économiques peuvent avoir davantage d’impacts et d’effets sur le projet de loi des finances 2025 et sur la croissance économique et le développement social. En effet, «l’amélioration des conditions d’une croissance économique soutenue doit être la première priorité en assurant une politique fiscale encourageante, une paix sociale permanente, une administration efficiente, un pouvoir d’achat de la population assez décent pour assurer la reproduction d’un capital humain productif», précise-t-il.

La seconde priorité, à son avis, réside dans l’amélioration des conditions de travail et d’investissement dans le secteur agricole, premier secteur employeur de main-d’œuvre et parmi les plus exportateurs dans le pays. Ce secteur pourra jouer un rôle de réducteur de la fuite de la main-d’œuvre et du déficit de la balance commerciale et, par là, un garant de la volonté de l’indépendance à l’égard de l’étranger.

La troisième priorité consiste à l’accélération des réformes, en particulier celles visant à améliorer la gouvernance des entreprises publiques qui sont devenues une charge pour le budget de l’Etat, au lieu d’être une source de financement. En somme, l’ensemble de ces priorités imposent la protection des catégories moyennes et vulnérables, affaiblies par la hausse des prix, la réduction de l’inflation, et veiller à la répartition équitable des richesses produites. Aux dires de Pr Gouia, «il est primordial aussi de renforcer l’équilibre du développement régional, assurer l’autosuffisance alimentaire, notamment dans les filières stratégiques comme la céréaliculture, accélérer la réalisation des réformes structurelles dans des secteurs aussi variés que l’agriculture, l’industrie, l’énergie, le transport, les services…, même si la balance commerciale a été tout le temps déficitaire en Tunisie, la réduction de ce déficit devient impérative et urgente dans le contexte actuel d’une Tunisie fortement endettée et largement dépendante des importations de biens de consommation et d’énergie».

Utilisation optimale des ressources

Le budget de l’Etat de l’année 2025 devrait garantir une utilisation optimale des ressources et deniers publics grâce à un cadre de gestion plus efficace, plus responsable, pour atteindre les objectifs escomptés. L’équilibre entre les recettes et les dépenses doit jouer le rôle de stabilisateur automatique du cycle économique. Une amélioration des recettes, parallèlement à une meilleure gestion des dépenses publiques, doit se baser sur une amélioration de la croissance économique, sur les profits provenant des entreprises publiques, des recettes touristiques et des transferts des fonds des Tunisiens résidents à l’étranger. Seul, ce moyen réduira la dépendance financière du pays à l’égard de l’extérieur.

Compte tenu, premièrement de l’histoire de la Tunisie, (pays ayant une grande dépendance économique à l’égard du colonisateur) et secondairement de l’intégration du pays dans la mondialisation croissante (tissu industriel et de services très ancrés à l’extérieur), certes, de multiples phénomènes que connaîtra le monde extérieur au cours de la prochaine année vont impacter la conception du budget des finances pour 2025. En premier lieu, les pressions inflationnistes qui touchent la plupart des économies mondiales ne sont pas sans conséquences pour la Tunisie (3,5 % en 2024, puis 2,9 % en 2025, selon la BM), ce qui impose à la loi de finances de faire preuve de flexibilité et d’efficacité pour préserver la stabilité sociale et la relance économique.

Le PLF 2025 doit tenir compte des risques baissiers prédominants, notamment la montée des tensions géopolitiques, la montée accrue des échanges commerciaux et des taux d’intérêt plus élevés, auxquels s’ajoute la menace de catastrophes climatiques. Face à la détérioration tenace du pouvoir d’achat des ménages en Tunisie durant les dernières années, plusieurs mesures doivent être prises par la loi 2025 pour protéger les ménages vulnérables et maintenir une stabilité sociale.

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